9. Un œuf dans un étain, un verre de lait
Les toiles de Paul Magendie se penche souvent sur un objet ou à un petit groupe de choses. Leur représentation n'a pas pour but de les replacer dans un contexte quotidien ou utilitaire, mais au contraire de les détacher de tout caractère narratif. Il n'est alors pas surprenant que la boîte soit tendanciellement abandonnée chez Paul Magendie au profit d'un fond uni, parfois informe ; cela participe semble-t-il de cette même recherche de dépouillement. Une toile figurative désigne habituellement un au-delà en suggérant un extérieur de la toile ; l'objet est travaillé pour renvoyer au concret d'une situation quotidienne vécue ou celui d'une configuration thématique [cf. 8]. Ici au contraire, les agencements ne sont pas conçu et réalisés de manière à ce que l'on sorte de la toile, mais de façon à ce que l'on pénètre dans la puissance d'évocation abstraite d'un l'objet ; l'au-delà est creusé à l'intérieur même du tableau. L'objet devient mystérieux, sa présence et sa fonction alors se transforment elles-mêmes en énigmes ; questions et mises en doutes qui deviennent les sujets du tableau. Que fait-il là, s'il ne sert à rien et à personne ? Pourquoi prend-il la pose bêtement ? Que veut-il dire ? L'objet devient chose, idiotie, un bloc dur infranchissable ; il fait obstacle. Ces associations formulent une vive interrogation qui inquiète notre quotidien. Et le spectateur se surprend parfois même à frôler ou supposer une dimension métaphysique au sujet représenté ; ce ne sont plus des objets, mais des éléments, des substances : un poids, l'air, la chaîne, l'éther, l'œuf, un fruit. Essentialiser l'objet, lentement, il devient symbole sans fond, parce qu'il ne renvoie à rien d'explicite.
![]() |
![]() |