13. Bobine de fil bleu, petits ciseaux, crâne en déséquilibre

 

 

    Un tableau se compose, c'est une certitude ; composer un tableau c'est parfois difficile, qui en douterait ? Toute composition se fait par l'association de plusieurs éléments, et là réside le problème. L'association n'a jamais rien d'évident, pourtant il faut la rendre la plus naturelle possible. Poser ensemble des parties qui n'ont pas nécessairement quelque chose en commun relève alors souvent de la médecine chirurgicale. La greffe, réaliser la greffe, impossible chose - problème de compatibilité, puis le rejet. S'il semble que deux tissus soient conciliables, il faudra trouver les stratagèmes pour éviter la barrière.

    Une composition est une succession dans l'espace, parfois surprenante, de plusieurs natures ; peindre cet équilibre, c'est réaliser des transitions et minimiser l'écart séparant ces objets. Le tableau, résultat visible de ces passages, les yeux circulent à sa surface, de droite à la gauche, de gauche à une droite, de haut dans le bas, de bas vers le haut, d'une valeur à une voisine, pour lire une suite latérale de choses hétérogènes. Le regard est renversé de proche en proche est balancé de côté est retourné. Mais comment de tels objets, aussi variés dans leur nature et leurs matières, peuvent-il être maintenu ensemble ? Comment une transition entre eux est-elle possible ? Le peintre doit savoir éprouver les lois de la mécanique, il doit savoir mesurer les poids, les équilibres pour maîtriser les jeux de bascule. Le dosage des lumières, des tons qui tombent offrent aussi des solutions. Les mécaniques du dégradé sont autant de chemins astucieux pour tous ceux qui tentent de trouver le passage dérobé. Mais ce sont les tableaux, les natures mortes, qui doivent nous en apprendre le plus à ce sujet. Car ces tactiques sont fines et exaltantes, toujours nouvelles et audacieuses, ce sont des secrets précieusement gardés que l'on tente de mettre à jour de longues heures durant.