4. Les bouchons
Aucun tableau ne peut durablement tromper l'œil, tout au mieux le fait-il quelques instants, au bénéfice de l'inattention du spectateur. Mais l'étonnement demeure. Comment est-ce possible, comment arriver à être fidèle à ce point ? Peut-être est-ce une photo ? Tout cela force le respect. Mais il y a plus, un trouble persistant, un malaise. Cette peinture fait obstacle, elle accroche l'œil, parce qu'à la regarder, un vertige, un doute général quant à la réalité du monde se font jour parce qu'il est possible de la figurer d'aussi près. C'est tout simplement une mise à l'épreuve des certitudes sensibles, une expérience physique de la confusion entre fiction et réalité qui met mal à l'aise et inquiète. Tout vacille, la confusion est reine. Se pencher sur le réel, c'est toujours emmêler, ce qui de loin nous paraissait clair et distinct. S'approcher, c'est rendre impossible toute évidence. Cette peinture nous apprend que la fiction se loge au plus près de la réalité. Le peintre joue avec elles pour jouer avec le spectateur qui est pris à parti ; il faut lui faire violence. Un état d'ivresse, doux ou violent peut ainsi assaillir le spectateur, dont la perception du monde ne peut dès lors plus être la même. Peut-être la meilleure façon de se détacher de la réalité est-ce de la représenter au plus près, de la désigner pour la troubler et l'inquiéter.
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