15. L'arrosoir

 

    Une boite, en un sens fera toujours penser à un cercueil, puis à toutes ces choses dont on voudrait pouvoir se débarrasser au plus vite et sans fracas, résidus trop longtemps conservés d'époques plus ou moins sérieuses. Dans la boite, s'empilent sans compter les fonds de tiroirs ; l'essentiel est de tout faire tenir, pour l'heure peu importe la disposition. Mais le temps passe, enfin les choses prennent la poussière, décomposées aux yeux de tous; l'impudeur des derniers jours déconcerte à chaque fois. Quel est l'objet sachant souffrir en silence ? Dedans de hauts cris la caisse raisonne, une marche à gauche appelle un sifflet, la déchirure droite l'opéra. Si l'on regarde l'écart, le chant est manifeste. La boite est zone d'expérimentations pour collectionneurs en tous genres : oxydations et craquelures, fêlures rouille, ces petits remous sont capitaux scientifiquement ; le chef en a fait les frais : il a cassé sa pipe. Mais on peut toujours voir après combien de temps les mécanismes s'empilent et durent, et le peintre compte ; il est sensible, un chercheur parmi les spécialistes : peindre la rouille c'est devenir physicien, des failles, géographe. Car autour de la mort même, il faut s'approcher encore. C'est bien-sûr ce qu'il a fait, et c'est obscène il le sait ; de tout montrer, de tout saisir, passer au crible, parce que la pudeur n'est pas son affaire. En somme, en réalité, la surenchère du visible convient à tous : tout objet pour se faire plaindre, le peindre pour la science, les sens qui en raffolent.